Le limogeage du ministre des Forces armées malgaches, dont l'appui avait été décisif pour l'accession au pouvoir d'Andry Rajoelina, met en lumière les divisions au sein de l'armée malgache et les tentations de recours à une solution militaire pour dénouer la crise politique.
Le Premier ministre Camille Vital a annoncé mercredi qu'il prenait en charge le ministère des Forces armées, expliquant cette décision par "les problèmes et les bruits qui entourent l'armée, provoquant des craintes sur la conduite de l'Etat". M. Vital a dans la foulée été promu du grade de colonel à celui de général.
"Nous n’avons jamais eu l’intention de faire un coup d’Etat ou d’instaurer un directoire militaire. Si nous l’avions voulu, cela aurait été fait", a réagi le ministre démis, Noël Rakotonandrasana.
Pourtant, des sources concordantes ont confirmé à l’AFP l’existence de projets pour "trouver une solution militaire à la crise" qui secoue le pays depuis fin 2008 et a conduit à l'éviction du président Marc Ravalomanana il y a un an.
"Il y a une quinzaine de jours, le général Rakotonandrasana a proposé de prendre la tête d’un directoire militaire, mais il n’a pas été vraiment suivi", témoigne ainsi un haut gradé sous couvert de l'anonymat.
"Il avait été inspiré par l’exemple du Niger (où la junte a annoncé qu’elle organiserait une transition rapide, obtenant l’aval de la communauté internationale), encouragé en cela par des puissances étrangères", assure-t-il.
Le président de la Haute autorité de transition Andry Rajoelina a décidé en décembre de tourner le dos à la recherche d'un compromis avec l'opposition en vue d'une transition politique, annonçant l’organisation prochaine d’élections législatives.
Cette option est contestée par l’opposition et a conduit l’Union Africaine à sanctionner les membres du régime, plongeant le pays un peu plus dans l'impasse.
"On ne veut pas du pouvoir. On n’aurait pas eu les moyens de faire fonctionner l’Etat maintenant que les caisses sont vides", explique de son côté un autre officier.
"Et puis un directoire militaire ne tenait pas la route, étant donné les conflits de leadership qui minent l’institution actuellement", ajoute-t-il.
L’armée malgache est en effet actuellement divisée, même si "elle n’a surtout pas envie de s’entretuer".
"C’est aussi pour cela que (le Premier ministre) Vital a pris lui-même la responsabilité des Forces armées: il ne veut pas donner l’impression de favoriser telle ou telle tendance", explique le même officier.
Le départ du général Rakotonandrasana demeure un signe fort puisqu’il a été un acteur majeur du départ de Marc Ravalomanana, qu'il avait pourtant soutenu depuis 2002.
Début mars 2009, il avait pris la tête d'une mutinerie de sous-officiers, faisant chavirer le pouvoir alors en place quelques jours plus tard.
Selon plusieurs sources proche du dossier, qui qualifient le général Rakotonandrasana d'"opportuniste", ce dernier ne faisait pas l'unanimité au sein de l'armée par ailleurs peu encline à la mise en place d'un directoire militaire.
En septembre 2009, l'armée avait ainsi refusé cette solution proposée par les chefs de file de l'opposition à M. Rajoelina.
Reste que selon ces mêmes sources, l'armée pourrait contraindre les politiques à s'entendre et aller de l'avant au sein d'un gouvernement d'union nationale.
"On va faire un grand rapport, donner une feuille de route avec des directives précises, en partageant les différents postes, que l’on imposera aux politiciens", assure l'officier interrogé par l'AFP.
Source: AFP (09/04/2010)
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