Monday, November 24, 2008

Guinée-Bissau: Nouvelle convulsion

Qui est derrière les mutins bissau-guinéens de la nuit de samedi à hier ? Pour le moment, le regard ne peut se porter vers les partisans du président Joao Bernardo « Nino » Vieira. Encore moins vers le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (Paigc) ou son chef Carlos Gomez. Cette formation a remporté les législatives d’il y a une dizaine de jours et va, en toute logique, former le nouveau gouvernement.

L’ancien président Kumba Yalla que Vieira avait menacé de poursuites judiciaires pour l’avoir mis en cause, pendant la campagne électorale, dans le trafic de stupéfiants ? Le chef des armées, le général Tag Nagme Nawaye, de l’ethnie balante comme lui, s’est montré jusqu’ici un farouche républicain. Des consultations qui se sont déroulées dans le calme et la transparence, avec une participation massive des électeurs (82 %). Et le chef de l’Etat s’était placé au-dessus de la mêlée. Les résultats de la présidentielle de 2005, eux, avaient été vivement rejetés par ce parti et par son candidat, Malam Bacai Sanha. Cela avait entraîné une crise et Dakar avait été même saisi pour sa résolution.

Mutinerie ou vraie tentative de coup d’Etat ? C’est peut-être du pareil au même, tant nous sommes habitués, en Afrique, à voir la première se transformer en pronunciamiento, la marche d’une poignée de soldats réclamant leur solde se terminant par leur installation au palais présidentiel. Mais ces récents événements ne sont pas tellement surprenants. Ils ont été précédés, ces derniers mois, de l’annonce de complots avortés. Rappelons-nous seulement l’arrestation du commandant de la Marine, le contre-amiral Americo Bu Na Tchute, son évasion mystérieuse vers la Gambie. Ces convulsions répétées que connaît le pays soulignent, à l’évidence, le fait que la Guinée-Bissau est malade de son armée pléthorique. Celle-ci est un mammouth né dans la période héroïque de la lutte contre le joug colonial de Salazar, puis de Caetano. Bon nombre de ses éléments sont sans doute convaincus que le pouvoir est toujours au bout du fusil. D’autres, qu’il n’y a pas de vie sans l’uniforme et la Kalachnikov. D’où le défi que s’est lancé Nino Vieira, à son retour aux commandes, de dégraisser le monstre et qui est resté vain.

A cette plaie se sont ajoutées d’autres, aussi sérieuses. La corruption a favorisé le développement du trafic de drogues dures. La Cedeao et la communauté internationale s’en sont inquiétées. Elles ont noté que toute la sous-région était devenue le relais de prédilection des cartels sud-américains dans leurs opérations vers l’Europe. Que cela ne pouvait que créer l’insécurité et fragiliser les Etats.

« L’évasion » de narcotrafiquants vénézuéliens, après leur détention et leur mise en liberté provisoire, il y a quelques mois, était déjà une preuve de la déliquescence de l’Etat. Avec l’aide de l’Onu et de pays amis la Guinée-Bissau a entrepris de réorganiser la surveillance de son espace aérien et de sa zone maritime. Elle doit également assainir ses finances et lutter contre la pauvreté, d’autant que la noix de cajou reste son principal produit d’exportation.

Réconciliée avec elle-même et si elle parvient à réaliser l’Etat de droit, elle sera un gage de la stabilité de tous ses voisins. Nino Vieira le sait-il a donc prévenu le président Abdoulaye Wade de la mutinerie qui se déroulait sous ses fenêtres. Le chef de l’Etat sénégalais a, de son côté, envoyé des troupes à la frontière sud. Un soutien de la rébellion du Mfdc aux mutins pourrait remettre la Cedeao face à la situation qu’elle a connue avec le coup de force du général Ansumane Mané, en juin 1998 et ruiner les efforts réalisés pour la paix en Casamance.

Il reste que tous les militaires et politiciens bissau-guinéens séduits par les sirènes de l’aventurisme doivent se rappeler que l’Ua, la Cedeao et la communauté internationale ne tolèrent plus les transitions politiques par les armes. La page des coups d’Etat en Afrique doit être tournée, pour de bon.

Source: Le Soleil

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