Saturday, November 15, 2008

Nigeria: l'armée vivement critiquée pour des violences contre la population

Filmé par des témoins et diffusé sur internet, un récent passage à tabac d'une jeune conductrice par des hommes de la marine nationale car elle avait ralenti leur convoi dans Lagos a suscité une vague de colère et de protestations dans le pays.

Longtemps aux mains des militaires, le pays le plus peuplé d'Afrique - 140 millions d'habitants - a renoué avec les régimes civils depuis 1999, mais une décennie n'a pas suffi à effacer la "mentalité de garnison" qui prévaut encore, selon des observateurs.

Une nouvelle affaire gênante pour l'armée a ainsi éclaté le 3 novembre, lorsque Uzoma Okere, 27 ans, a été tabassée puis partiellement dénudée par une demi-douzaine d'hommes encadrant le contre-amiral Harry Aroundade, dans un quartier résidentiel privilégié de Lagos, en plein jour.

"La circulation était très dense et les hommes de la marine voulaient que je libère la voie juste parce qu'ils voulaient passer", a-t-elle expliqué dans un entretien avec l'AFP.

Impatients, les militaires l'ont sortie de force de son véhicule. Coupée au visage, lacérée par des coups de fouets sur les bras et le torse, la jeune femme dit avoir reçu des soins hospitaliers à trois reprises. Elle a intenté une action en justice contre la marine.

L'attaque, qui a été filmée par des témoins puis diffusée sur internet et à la télévision, a provoqué la colère de nombreux Nigérians -- gens de la rue, organisations de défense des droits civiques et des droits des femmes, éditorialistes -- réclamant des sanctions.

"Dès que l'histoire est sortie", le président Umaru Yar'Adua "a demandé au chef de l'état-major de mener une enquête et de lui faire un rapport", a indiqué à l'AFP le porte-parole présidentiel, Olusegun Adeniyi.

Le Parlement a de son côté estimé qu'il s'agissait d'une affaire de dimension nationale qu'il fallait traiter de façon urgente.

Les habitants de Lagos sont habitués à céder le passage à des convois encadrés par des hommes en armes, sirènes hurlantes, transportant des responsables politiques, militaires ou encore des hommes d'affaires, nigérians ou étrangers.

Mais la brutalité du récent épisode a été largement condamnée.

Tandis que l'éditorialiste du quotidien The Tribune a comparé les assaillants à des "bêtes sauvages", Mashood Erubami, directeur du centre de recherche et de développement sur les Droits de l'homme, basé à Ibadan (sud) a rappelé que "les forces en uniforme doivent protéger la nation (...) pas être violentes à l'encontre des gens qu'elles doivent protéger".

Le principal parti d'opposition, Action Congress, a jugé l'attaque "barbare, scandaleuse et inacceptable" et le journal Guardian a regretté que "l'image du Nigeria (soit) de nouveau ternie".

Dans un récent rapport, Amnesty International a dénoncé "la culture bien ancrée d'impunité des violations des droits de l'homme commises par la police et les forces de sécurité".

En 2008, une autre automobiliste a été agressée car elle n'avait pas cédé à temps le passage au convoi d'un gouverneur, à Lagos, et en 2007, un motard a été tué par balles par un officier de la marine qui lui reprochait de l'empêcher de circuler, selon les médias.

"Malheureusement, de tels incidents sont communs au Nigeria", a noté le Guardian. "Une mentalité de garnison, selon le journal, est omniprésente dans le pays et les hommes en uniformes n'ont pas appris à s'adapter à la démocratie".

Source: AFP

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