L’entrée de Bouaké est devenue un véritable poste à péage où les éléments de l’ex-rebellion exigent le “thesongon”.
Des éléments des Forces armées des Forces nouvelles (FaFn), en poste aux différents corridors de la ville, exigent de plus en plus de l’argent aux usagers qui empruntent les routes. Le «thésongon » (prix du thé) est la nouvelle forme de racket. Alors que l’Accord de Ouaga met un terme à cette pratique. Jeudi 26 février. Nous sommes au corridor Ouest de la ville, au carrefour des axes menant à Sakassou et Béoumi. Des éléments de FaFn nous arrêtent. Deux passages s’offrent à l’usager qui est orienté par un agent. Les motocyclistes à droite, les véhicules à gauche. Etant coutumier des lieux, nous obéissons à l’image du conducteur de mototaxi qui nous précède.
“200 Fcfa ! Thésongon”
Le soldat présente devant la herse qui sert de barrage, une boîte de lait entrouverte. « Excusez messieurs, mettez quelque chose dans cette caisse. 200 Fcfa ! 200 Fcfa ! Thésongon. C’est l’unicité de caisse de l’Etat. Donnez vite et passez», ordonne-t-il à la file de motos. «Mon chef, aujourd’hui je n’ai rien. Le soir, si ça va, je vais penser à vous», tente de se soustraire le mototaxi. «C’est foutaise. Tu as deux clients derrière toi et tu parles du soir. Donne les deux togo, tu vas quitter ici», rugit le soldat. L’homme, sentant le ton monter, s’exécute. Sans rien dire, il démarre en trombe. Tout le monde l’imite. Tandis que les motos étaient rançonnées de la sorte, les véhicules et leurs occupants subissaient pratiquement le même sort sur l’autre passage. Mais, ici, tous les passagers sont priés de descendre des véhicules afin de se rendre vers une table sous des manguiers pour vérification des pièces. Sur place, c’est plutôt de l’argent qu’il faut payer. Le montant est fonction de «l’infraction commise», nous dit un soldat démobilisé. «Selon que vous avez une pièce justificative de votre identité, vous versez 200 Fcfa. Avec un pardon, vous pouvez payer 100 Fcfa. Si le passager n’a pas de papier on peut exiger au-delà de 1.000 Fcfa. Avec un pardon si la journée a été assez bonne, il donne 500 Fcfa. Pas en dessous. En fin de journée, les sommes collectées sont réparties entre les soldats en faction», explique-t-il. En plus, le transporteur doit verser un droit pour chaque voyage. Imaginez ce que peut rapporter un corridor quand on sait que chaque véhicule de transport paye en moyenne 5.000 Fcfa le passage. La Chambre de commerce et d’industrie estime à 800.000 Fcfa le surcoût par camion. La question a encore été au menu des échanges entre le chef du gouvernement et le secteur privé, le 25 février. Guillaume Soro a révélé à ses hôtes avoir donné des instructions aux deux chefs d’état-major pour endiguer ce fléau qui mine la réunification. Sur le terrain, ce sont chaque jour des scènes semblables auxquelles sont soumis les usagers sur les routes de la zone Centre-Nord-Ouest (CNO). Les victimes se plaignent à longueur de journée à mots couverts ou ouvertement en présence des agents. Dame Y. Maimouna, une victime, raconte sa mésaventure. «Mon frère, ce n’est pas moi qui t’ai mis là. La guerre est finie. Alors tu rentres en caserne ou tu retournes au village», n’avait-elle pas hésité à lancer à un soldat qui lui demandait de présenter sa carte d’identité et de payer de l’argent. Elle a failli se faire tabasser sans la promptitude du chef de poste. Visiblement les usagers sont mécontents de cette forme de racket. Ils ne comprennent surtout pas, qu’au moment où l’on parle de retour à la paix, ils soient humiliés quotidiennement sur les routes. Un seul souhait sur les lèvres des personnes qui acceptent de parler. «Il faut que nos enfants comprennent qu’on souffre de ce droit de passage pour individu. Si pour rentrer et sortir d’une ville tu dois payer, c’est grave. Surtout pour nous autres qui habitons la banlieue», se plaint Y Maimouna. Les transporteurs ne sont pas en reste. Ces opérateurs économiques estiment qu’ils perdent assez de temps et surtout de l’argent à ces corridors. Cela peut paraître surprenant, mais des soldats en poste nous ont confié être «un peu gênés par ce qui se passe». Au poste de Diabo-Sokoura ce week-end, un soldat confie la main sur le cœur : «Personnellement je n’accepte plus de me rendre sur les corridors. Après 7 ans de guerre, je suis gêné de prendre de l’argent avec les populations civiles. A Bouaké, on se connaît tous pratiquement. Je vous avoue que si on était payé chaque mois, on ne prendrait pas de l’argent aux parents sur les corridors».
Des chefs militaires rassurent
Des explications recueillies auprès d’une dizaine de soldats, il ressort que le racket avait connu un coup d’arrêt avec le profilage. Car les éléments Volontaires à l’armée nouvelle (Van) recevaient chaque mois 90.000 Fcfa. Cette somme n’étant plus versée, la vie en caserne est devenue insupportable. C’est la raison pour laquelle, les chefs font des rotations au niveau des éléments Van sur le terrain afin de permettre à chacun de percevoir le «prix de la cigarette». On les reconnaît par leur tee-shirt orange ou vert. Des chefs militaires et civils ont reconnu les faits. Toutefois, ils rassurent que cette pratique va prendre fin bientôt. «Le Premier ministre a donné des instructions pour ne plus que les populations soient emmerdées. Il sera là cette semaine pour le lancement de l’opération grandeur nature de l’unicité de caisse de l’Etat. Une fois cela fait, on aura de l’argent dans les caisses pour payer les jeunes gens. Et vous verrez qu’ils ne racketteront plus», a promis un cadre des FN, rencontré le week-end. Il a d’ailleurs estimé que le mot racket était un peu trop fort d’autant que ces jeunes gens n’ont pas de salaire. «Comme ils le disent, c’est le prix du thé ou de la cigarette qu’ils demandent. Je préfère ce scénario aux vols et braquages», poursuit notre interlocuteur. Les populations, elles, attendent l’arrêt de cette pratique.
Source: Nord-Sud
Des éléments des Forces armées des Forces nouvelles (FaFn), en poste aux différents corridors de la ville, exigent de plus en plus de l’argent aux usagers qui empruntent les routes. Le «thésongon » (prix du thé) est la nouvelle forme de racket. Alors que l’Accord de Ouaga met un terme à cette pratique. Jeudi 26 février. Nous sommes au corridor Ouest de la ville, au carrefour des axes menant à Sakassou et Béoumi. Des éléments de FaFn nous arrêtent. Deux passages s’offrent à l’usager qui est orienté par un agent. Les motocyclistes à droite, les véhicules à gauche. Etant coutumier des lieux, nous obéissons à l’image du conducteur de mototaxi qui nous précède.
“200 Fcfa ! Thésongon”
Le soldat présente devant la herse qui sert de barrage, une boîte de lait entrouverte. « Excusez messieurs, mettez quelque chose dans cette caisse. 200 Fcfa ! 200 Fcfa ! Thésongon. C’est l’unicité de caisse de l’Etat. Donnez vite et passez», ordonne-t-il à la file de motos. «Mon chef, aujourd’hui je n’ai rien. Le soir, si ça va, je vais penser à vous», tente de se soustraire le mototaxi. «C’est foutaise. Tu as deux clients derrière toi et tu parles du soir. Donne les deux togo, tu vas quitter ici», rugit le soldat. L’homme, sentant le ton monter, s’exécute. Sans rien dire, il démarre en trombe. Tout le monde l’imite. Tandis que les motos étaient rançonnées de la sorte, les véhicules et leurs occupants subissaient pratiquement le même sort sur l’autre passage. Mais, ici, tous les passagers sont priés de descendre des véhicules afin de se rendre vers une table sous des manguiers pour vérification des pièces. Sur place, c’est plutôt de l’argent qu’il faut payer. Le montant est fonction de «l’infraction commise», nous dit un soldat démobilisé. «Selon que vous avez une pièce justificative de votre identité, vous versez 200 Fcfa. Avec un pardon, vous pouvez payer 100 Fcfa. Si le passager n’a pas de papier on peut exiger au-delà de 1.000 Fcfa. Avec un pardon si la journée a été assez bonne, il donne 500 Fcfa. Pas en dessous. En fin de journée, les sommes collectées sont réparties entre les soldats en faction», explique-t-il. En plus, le transporteur doit verser un droit pour chaque voyage. Imaginez ce que peut rapporter un corridor quand on sait que chaque véhicule de transport paye en moyenne 5.000 Fcfa le passage. La Chambre de commerce et d’industrie estime à 800.000 Fcfa le surcoût par camion. La question a encore été au menu des échanges entre le chef du gouvernement et le secteur privé, le 25 février. Guillaume Soro a révélé à ses hôtes avoir donné des instructions aux deux chefs d’état-major pour endiguer ce fléau qui mine la réunification. Sur le terrain, ce sont chaque jour des scènes semblables auxquelles sont soumis les usagers sur les routes de la zone Centre-Nord-Ouest (CNO). Les victimes se plaignent à longueur de journée à mots couverts ou ouvertement en présence des agents. Dame Y. Maimouna, une victime, raconte sa mésaventure. «Mon frère, ce n’est pas moi qui t’ai mis là. La guerre est finie. Alors tu rentres en caserne ou tu retournes au village», n’avait-elle pas hésité à lancer à un soldat qui lui demandait de présenter sa carte d’identité et de payer de l’argent. Elle a failli se faire tabasser sans la promptitude du chef de poste. Visiblement les usagers sont mécontents de cette forme de racket. Ils ne comprennent surtout pas, qu’au moment où l’on parle de retour à la paix, ils soient humiliés quotidiennement sur les routes. Un seul souhait sur les lèvres des personnes qui acceptent de parler. «Il faut que nos enfants comprennent qu’on souffre de ce droit de passage pour individu. Si pour rentrer et sortir d’une ville tu dois payer, c’est grave. Surtout pour nous autres qui habitons la banlieue», se plaint Y Maimouna. Les transporteurs ne sont pas en reste. Ces opérateurs économiques estiment qu’ils perdent assez de temps et surtout de l’argent à ces corridors. Cela peut paraître surprenant, mais des soldats en poste nous ont confié être «un peu gênés par ce qui se passe». Au poste de Diabo-Sokoura ce week-end, un soldat confie la main sur le cœur : «Personnellement je n’accepte plus de me rendre sur les corridors. Après 7 ans de guerre, je suis gêné de prendre de l’argent avec les populations civiles. A Bouaké, on se connaît tous pratiquement. Je vous avoue que si on était payé chaque mois, on ne prendrait pas de l’argent aux parents sur les corridors».
Des chefs militaires rassurent
Des explications recueillies auprès d’une dizaine de soldats, il ressort que le racket avait connu un coup d’arrêt avec le profilage. Car les éléments Volontaires à l’armée nouvelle (Van) recevaient chaque mois 90.000 Fcfa. Cette somme n’étant plus versée, la vie en caserne est devenue insupportable. C’est la raison pour laquelle, les chefs font des rotations au niveau des éléments Van sur le terrain afin de permettre à chacun de percevoir le «prix de la cigarette». On les reconnaît par leur tee-shirt orange ou vert. Des chefs militaires et civils ont reconnu les faits. Toutefois, ils rassurent que cette pratique va prendre fin bientôt. «Le Premier ministre a donné des instructions pour ne plus que les populations soient emmerdées. Il sera là cette semaine pour le lancement de l’opération grandeur nature de l’unicité de caisse de l’Etat. Une fois cela fait, on aura de l’argent dans les caisses pour payer les jeunes gens. Et vous verrez qu’ils ne racketteront plus», a promis un cadre des FN, rencontré le week-end. Il a d’ailleurs estimé que le mot racket était un peu trop fort d’autant que ces jeunes gens n’ont pas de salaire. «Comme ils le disent, c’est le prix du thé ou de la cigarette qu’ils demandent. Je préfère ce scénario aux vols et braquages», poursuit notre interlocuteur. Les populations, elles, attendent l’arrêt de cette pratique.
Source: Nord-Sud
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