L'Union européenne, sans illusion excessive, envisage de doter le faible gouvernement de transition somalien d'un embryon d'armée, dans l'espoir qu'un jour la Somalie ne soit plus un terrain d'élection pour terrorisme, banditisme et piraterie.
Les ministres de la Défense des 27 ont planché mardi sur l'idée de lancer au premier semestre 2010 une opération consistant à envoyer une centaine d'instructeurs former jusqu'à 2.000 soldats de la future armée gouvernementale somalienne, pour la porter à terme à 6.000 hommes.
On retrouve au premier rang des partisans de cette initiative les deux pays qui avaient déjà le plus vigoureusement milité en faveur du lancement en décembre 2008 de l'opération antipiraterie Eunavfor Somalie-Atalante, la France et l'Espagne.
La libération d'un thonier espagnol et de ses 36 marins le jour même de la réunion ministérielle à Bruxelles peut difficilement passer pour une victoire, les pirates ayant apparemment imposé leurs conditions à Madrid.
Le blocus des ports, une idée agitée mardi par la ministre espagnole Carme Chacon pour exprimer la résolution de son pays à en finir avec les pirates, est, de l'aveu de son collègue français Hervé Morin, de peu d'avenir.
L'expérience a déjà été menée il y a quelques mois et "cela n'a pas donné de très bons résultats", a-t-il confié à la presse.
En dépit de l'armada constituée par l'UE, l'Otan, les Etats-Unis et d'autres puissances maritimes comme le Japon, la Chine, la Russie et l'Inde, la menace continuera donc de planer sur les navires marchands, les bateaux de pêche et les plaisanciers naviguant dans les parages.
M. Morin a reconnu la nécessité d'une intervention terrestre quand il a décrit la création de bataillons somaliens comme "un complément efficace d'Atalante".
"C'est en s'attaquant aux racines du mal en Somalie même que nous pourrons régler la question de la piraterie", a-t-il expliqué.
Mais y compris chez les plus chauds promoteurs de l'opération, l'enthousiasme n'est pas de mise.
En effet, même si une demi douzaine de pays de l'UE se sont portés volontaires, "un certain nombre de questions restent en suspens et il faudra y trouver une réponse avant de prendre une décision finale", a résumé sobrement le ministre suédois de la Défense, Sten Tolgfors, qui présidait la réunion.
Ce n'est pas la tâche colossale qui attendrait une armée somalienne digne de ce nom -protéger les autorités intérimaires puis faire régner l'ordre dans un pays à la dérive depuis 1991- qui fait peur.
C'est la difficulté même de construire une armée nationale permanente et efficace.
Le général français Pierre-Michel Joana, représentant du diplomate en chef de l'UE, Javier Solana, pour la Corne de l'Afrique, l'a expliqué lundi sans détour au Parlement européen.
Premier piège à éviter, "il faudra intégrer de manière souple" les nouveaux soldats "de manière à ne pas provoquer de tension", avec ceux déjà en poste dans les forces de sécurité somaliennes.
Ensuite, il faudra trouver le nerf de la guerre, l'argent.
Enfin, même si on peut compter sur les Etats-Unis, notamment, pour financer la petite armée somalienne, il faudra surtout que les soldes soient effectivement versées, pour éviter que les soldats à peine rentrés en Somalie ne rejoignent les bandes rebelles.
D'où la volonté de l'UE d'impliquer la force de l'Union africaine en Somalie (Amisom), commandée par l'Ouganda, dans le recrutement des soldats somaliens, puis dans leur encadrement à leur retour.
Le ministre français des Affaires européennes Pierre Lellouche, n'a pas nié le risque que les soldats somaliens "cessent d'être payés" avec les conséquences sur leur loyauté que l'on imagine.
"Mais quelle est l'alternative ? Laisser Al-Qaïda prendre en main la Somalie ? C'est ça, le sujet", a-t-il répondu.
Source: AFP (18/11/2009)